Les billets de l’oncle Bernard

Ils sont de retour avec le reconfinement ! Ci-dessous, au fur et à mesure des jours, les billets d’humeur et de méditation du père Bernard Bommelear, qui font suite à ceux du premier confinement !


Merci Monsieur le Président

Mardi soir, nous vous avons écouté avec intérêt en appréciant le souci que vous avez de la santé et de chacun des français et de la France, en même temps que du combat mondial contre cette pandémie.

Certes la jauge de 30 personnes par célébration dans les lieux de culte nous a étonnés. Nous pensions que ce nombre ne faisait que recopier celui donné pour les cérémonies d’obsèques de ce mois de novembre. Ce matin, le Premier Ministre a confirmé ce nombre et ce jusqu’au 15 décembre. Certes, il est gênant de ce dédire, mais il est encore plus dommageable de confirmer une bévue.

Nous savons bien que des mesures doivent être générales et simples à appliquer. Certes, le détail de tous les cas particuliers peut embrouiller bien des esprits. Mais faire appel à l’intelligence et à la responsabilité des personnes est un gage de réussite et évite de laisser planer, à tort ou à raison, un je ne sais quoi de mépris sur ses concitoyens.

La plupart des églises des villes sont grandes, tant en mètres carrés au sol, qu’en mètres cubes. Interdire de dépasser le nombre de 30 personnes pour une célébration religieuse, correspondrait à limiter le nombre de voyageurs dans un wagon de métro ou dans un bus à moins d’une seule personne. Cette mesure serait, bien sûr,  d’une grande efficacité contre toute contagion, et aurait l’immense avantage de tuer la vie, ce qui est une manière de régler les questions.

Monsieur le Président, dans l’attente de jours meilleurs et de décisions mieux adaptées à la réalité des choses, nous vous prions de croire à nos sentiments respectueux.


Espoirs – Attentes légitimes et/ou espérance

Nous sommes nombreux à attendre de pouvoir aller voir nos familles, retrouver nos amis, retourner au cinéma, marcher en forêt, faire des achats pour Noël, et tant d’autres choses évidentes qui nous manquent de plus en plus. Le confinement nous pèse ainsi que les infos assez sombres que nous distillent les medias, d’ailleurs certains parmi nous ne veulent plus les entendre.

A y regarder de près, toutes ces attentes sont ressenties et vécues par chacun de manière assez individuelle. Reste à savoir si ce ressenti s’ouvre sur un horizon large ou demeure coincé dans mon seul champ de conscience.

Or nombreux sont ceux qui voient de plus en plus de personnes dans la rue, d’autres en grande difficulté financière, voire en détresse médicale ou psychologique. Nous parviennent aussi les échos de pays du monde tellement moins favorisés que le nôtre : comment résisteront-ils au chômage et à la faim ? Comment le vaccin leur parviendra-t-il ?

C’est ce regard sur le monde et l’écoute des échos qui nous en parviennent qui peuvent nous aider à passer de nos légitimes attentes individuelles à une véritable Espérance. Il s’agit de la vie de plus de 7 milliards d’êtres humains, de leur santé, de la dignité de leur vie et de la possibilité de leur avenir. Nous voyons bien que ce sera le fruit d’un travail commun passant par-dessus les clivages politiques et économiques, en faisant abnégation des seuls intérêts  nationaux ou financiers de telle entreprise.

La fête du Christ-Roi et le temps liturgique de l’Avent nous ouvrent à cette forte Espérance. Des groupes chrétiens comme celui des cadres (MCC.) ou des Entrepreneurs et Dirigeants (EDC.) et bien d’autres, y compris des personnes individuellement, vont dans ce sens. La préparation de Noël, l’attente de la venue du Christ fondent notre Espérance et nous poussent à prendre les moyens nécessaires (action et prière). Prenons-les et misons sur l’Espérance.


De la messe à l’eucharistie.

               Dans une grande école la tradition était, et est encore, de désigner les catholiques en les appelant les « Talas » c’est à dire ceux qui vont « TALAmesse ». Peut être était-ce réduire leur foi et leur engagement à un seul rite dominical ?

Aujourd’hui les chrétiens qui ‘vont-à-la-messe’ le dimanche et parfois en semaine, ne vont pas accomplir un rite. En revanche, ils se laissent inviter par le Seigneur et, avec la communauté présente, célèbrent tout ce qu’il a fait et continue de faire pour l’humanité et pour chacun. Dans la même dynamique, c’est leur vie la plus concrète, unie à celle du Christ Jésus,  qui devient une offrande au Père et une action de grâce. La communion en est un moment privilégié, mais qui ne prend la totalité de son sens que dans le mouvement même de la messe.

Peut être cela est-il un peu abstrait ! Je voudrais dire  tout simplement que j’admire les chrétiens qui vivent ainsi une union profonde au Christ. Tout ce qu’il a vécu est devenu « action de grâce tournée vers Le Père, c’est-à-dire Eucharistie. » La vie des chrétiens auxquels je pense est également devenue Eucharistie. » Ils ne portent pas d’auréole, leur vie va parfois cahin-caha ; ils demeurent des femmes et des hommes d’aujourd’hui. Et ils tournent vers Dieu leur vie vécue au milieu de tous.

Souvenons-nous : Jésus a admiré la pauvre veuve qui a mis deux piécettes dans le tronc du Temple. Sa foi était aussi grande que celle des apôtres Pierre et Jean. Aujourd’hui, il en va de même. La vie des femmes et des hommes qui vivent l’Eucharistie comme une action de grâce à Dieu, et l’offrande du service qu’ils vivent envers les frères et avec le Christ, est un vrai trésor.

Gens tout simples ou très instruits, femmes et hommes de tous les âges, cultures et ethnies : vous êtes le trésor de l’Eglise. Votre vie est une lumière pour notre monde qui en a besoin.


Du devoir de « gourmandise »

« Mon père, je suis gourmande. » C’est une dame largement âgée qui me dit cela avec l’air faussement contrit et l’amorce d’un sourire un je ne sais quoi complice. Et moi de lui répondre : « Je m’en réjouis pour vous, chère Madame. Et surtout en ces temps difficiles, continuez à l’être, ainsi vous survivrez. »

Enfant, j’avais pourtant appris que c’était un des sept péchés capitaux, ne disait-on pas : La gourmandise est un vilain défaut. Mais c’était les personnes les plus gourmandes qui disaient cela à leurs petits enfants. N’était-ce pas une manière de se défendre et de s’acheter facilement une conduite respectable ?

Certes je ne dirais pas à quelqu’un un peu déprimé : « Rentrez chez vous et prenez le temps de boire deux grands verres de whisky dans de la glace pilée, ou quelques verres de ce délicieux vieux porto, doré et parfumé que vous aimez tant ! »

Mais il y a des jours où il convient de suffisamment flatter notre palais pour arriver à avaler quelque chose. Nous y veillons naturellement pour les personnes qui connaissent un long temps de maladie ou pour certains de nos aînés qui n’ont plus goût à grand-chose. Eh puis, si le Seigneur nous a donné tant de choses merveilleuses dans sa création, ce n’est pas pour que nous les dédaignons et nous tournions vers ce qui n’a ni goût, ni saveur. Ne lui faisons pas injure. Jésus passait pour aimer les bonnes choses : en le comparant à Jean-Baptiste certain le qualifiaient de glouton. Combien de fois dans l’Evangile le rencontrons-nous au cours d’un repas chez quelqu’un qui l’a invité ; et c’est bien volontiers qu’avec les convives il prend son temps chez ses hôtes.

« …Et comme pénitence, vous vous préparerez un bon repas et le mangerez de bon appétit, si possible avec des amis, en remerciant le Seigneur… »


Humilité  et  vérité

Le journal La Croix d’hier faisait le point sur ce que les scientifiques connaissent et ne connaissent pas du covid19. Personnellement, j’ai apprécié que le rédacteur de l’article ait souligné beaucoup de points sur lesquels nous ne savons pas grand-chose. Il en va de même pour les prises de parole de scientifiques et médecins sur le même sujet. Cela vaut également pour les décideurs politiques. Ceux qui prétendent savoir exactement ce qu’il fallait faire et ce qu’il faut mettre en route pour venir à bout du virus risquent fort de n’être ni sérieux, ni crédibles, pour ne pas dire davantage.

Car les uns et les autres, tous nous avons le droit à la vérité : pas la violence de la parole qui provoque un infarctus chez celui qui la reçoit. Mais une parole dans laquelle celui qui parle s’engage sans démagogie, sans brutalité, avec à la fois pédagogie et réalisme. Nous constatons que nombreux sont ceux qui suivent cette voie.

Mais il n’y a pas que les scientifiques : nous aussi, il convient que nous nous engagions dans le même sens. Refuser de se faire vacciner contre la grippe ou le Covid signifie, de fait, que l’on se met en dehors de la mêlée, en refusant de participer à un effort commun de protection, quitte à en profiter grâce au grand nombre de personnes vaccinées. Et je ne parle pas des adeptes des théories complotistes ou négationnistes.

Nous savons que les décideurs politiques ont de lourdes décisions à prendre et à faire respecter.  Et le dicton affirme : Mieux avoir un général que deux bons ! Ce qu’ils décident, c’est après des séries de conseils, de travail d’équipe long, difficile, exigeant, qu’ils le font. C’est la même chose en médecine lors de décisions graves concernant un patient.

Les circonstances actuelles nous amènent à souligner  des vertus parfois oubliées en notre siècle. S’agirait-il d’un évangile laïque hérité silencieusement de celui de Jésus et pouvant, peut être, y reconduire ?


Messe ou pas de messe : Manif ou non ?

« Mon père, êtes-vous allé manifester pour les messes ? » Non, je ne suis pas allé manifester, non pas par impossibilité, mais par choix.

Tout d’abord je veux dire que prêtres à Saint Médard (comme dans la plupart des paroisses) nous concélébrons tous les matins, à 08h30. Mais le faisons, toutes portes fermées ce qui est presque une hérésie. La messe est toujours, avant toute autre intention, « pour la Gloire de Dieu – et pour le salut du monde.» Fermer les portes pendant la célébration de la messe est un contre-sens ; et ceci nous est imposé ! Certes cela ne nous empêche pas de prier pour tous les habitants du quartier et pour la terre entière. L’absence de fidèles est une frustration lourde, d’abord pour eux et aussi pour nous prêtres.

Alors, pourquoi ne pas aller manifester comme d’autres ?

Si les autorités civiles et médicales nous disent qu’il n’y a pas à prendre des risques supplémentaires de contagion, et à créer de nouveaux foyers de contagion (des clusters dit-on en franglais aujourd’hui) nous avons à l’entendre. La célébration de la messe ayant pour but le salut du monde, risquer de contaminer une partie de ce monde serait une énormité et contredirait le sens même de la messe.

Nous sommes concrètement solidaires de tous ceux qui subissent les mêmes contraintes et qui en souffrent lourdement. Nous le sommes également de tous ceux qui, souvent à leur corps défendant, doivent prendre ces décisions et qui en souffrent également. Nous prions pour et avec tous les acteurs médicaux et autres qui agissent pour faire reculer cette pandémie, ici et ailleurs, et bien sûr pour ceux qui subissent de mille et une manières les conséquences du covid .

Que l’Esprit Saint répande largement ses dons sur le monde et sur nous : dons de courage et de force, d’intelligence et de discernement, de bienveillance et d’amour.


Cœurs confinés

Les médecins nous disent : « Marchez une heure par jour, c’est essentiel pour votre cœur. » Les amoureux séparés par l’Atlantique ont le cœur en berne et supportent mal la distance. Tandis que d’autres qui se retrouvent 24 heures sur 24 dans le même studio, ne se supportent plus. Les veilleurs au grand cœur l’ont grand ouvert, de même que leurs yeux et leur téléphone pour que disparaisse la solitude.

Tout est affaire de cœur, mais encore faut-il en avoir un ! Il se pourrait que, ça et là, le fauteuil et la télé l’aient remplacé : c’est un peu triste, et même très triste, mais c’est ainsi. Beaucoup de choses peuvent  nous anesthésier, plonger notre cœur dans l’indifférence et nous rendre insensibles, sourds et aveugles.

Ainsi, le confinement peut nous « débarrasser » de la présence des autres. Il n’y a pas que les ours, les loirs, les hérissons, les marmottes et beaucoup d’autres à pratiquer l’hibernation. L’hibernation humaine peut se pratiquer près d’un frigidaire bien rempli accompagné d’une bonne cave à vin et d’une réserve d’apéritifs et de DVD. Jésus ne nous dit-il pas : « Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, vous aurez faim. Luc 625 ».

En revanche, nous voyons des personnes qui ne font pas de bruit et qui ont un cœur formidable. Elles savent voir, ne font pas de discours, mais sont là où c’est utile. Vous savez, celles qui font ce qu’il y a à faire alors que personne d’autre n’aurait soupçonné qu’il y avait là un besoin et souvent une urgence.

C’est à présent le temps du cœur et de la marche, du regard et de l’écoute, de la parole et du téléphone ; ce n’est pas le temps de l’hibernation. Ne serait-ce pas le temps de l’active compassion chez tous ceux qui ont un cœur de pauvre ? « Heureux, vous les pauvres car le Royaume de Dieu est à vous. Heureux vous qui pleurez maintenant car vous rirez. Luc 620…»


Enfer … … … Paradis

Les trois derniers numéros de la revue mensuelle ETUDES nous proposaient de suivre, sous la plume d’Emanuel Godo, l’itinéraire en trois étapes de la Divine Comédie de Dante : l’Enfer, le Purgatoire, le Paradis. J’ai lu et sans doute me suis-je un peu perdu en route. Pour certains, cette évocation est en rapport avec les évènements anciens et actuels.

Ainsi, à propos de « Ceux de 14 » de Maurice Genevois nous avons entendu parler d’Enfer. La vie dans les tranchées, les bombardements, le nombre effrayant de morts et de blessés… des deux côtés du front : ces réalités ont évoqué l’Enfer. On nous rapporte en même temps la fraternité des Poilus, le dévouement de tant de femmes devenues infirmières dans les hôpitaux de campagne, les brancardiers allant chercher les blessés sur le terrain sous la mitraille, les solidarités nouvelles dans tant de familles et les responsabilités prises par les femmes pour que le pays puisse vivre. Bref, en même temps que tant d’horreurs, tellement d’actes de fraternité, de responsabilité et d’amour. Mais, que je sache, l’Enfer, s’il existe, est l’état de vie où il n’y a aucun amour.

Certains nous disent : « Je crois que je vis mon purgatoire pendant ce confinement ! » Je ne sais pas très bien ce que pourrait être le purgatoire. Sans doute cet état de vie où Dieu mettra en nous un tel désir de l’aimer, de le voir et d’être avec lui, que ce sera un véritable feu en nous : feu de désir, déjà feu  d‘amour commençant à brûler en nous. Est-ce que nous vivons aujourd’hui ? Pas sûr !

Quant au Paradis, nous ne pouvons pas savoir ce que c’est, si ce n’est la vie vécue pleinement avec Dieu et tous ses enfants. Aujourd’hui, je peux dire ces mots sans bien réaliser tout ce qu’ils veulent dire ni les vivre et les éprouver complètement.

Aujourd’hui, nous vivons simplement le temps présent, avec ses joies et ses difficultés, ses maux souvent énormes.  Mais ce n’est ni l’Enfer, ni le Purgatoire, ni le Paradis. Nous sommes simplement appelés à aimer dans ce temps difficile qui est le nôtre.


«  … Vendredi 13 … » Aujourd’hui

Vendredi 13 : panique, plus personne ne bouge …. Ou, à l’inverse : formidable, quelle chance  nous avons ! Pendant trois ans, j’ai vécu du coté de la Porte de Pantin, dans une rue où les N° des maisons étaient  …  9, 11,  11bis, 15, 17 et pas de N° 13. De même certains hôtel américains n’ont pas de 13ème étage : on passe du 12ème au 14ème, et pas de chambre 13 !  Et tout cela à cause du repas du Jeudi Saint où Jésus et les Douze étaient treize à table ; préface d’une tragédie qui vit Jésus mis en croix, ou aurore de la manifestation d’un amour extraordinaire que rien n’arrêterait plus jusqu’à la fin du monde.

Du déroulement normal d’un calendrier nous pouvons tirer ce que nous voulons en prétendant qu’il y a là un signe. De fait, le signe est que nous pouvons en profiter pour nous recroqueviller dans notre coquille ou, au contraire, nous ouvrir à une solidarité et un amour fort grands.

Depuis près de deux semaines le confinement, comme celui du printemps, nous amène à demeurer davantage chez nous. Là, le repliement sur nous-même et l’engourdissement nous guettent tous. Pourtant, certains n’arrêtent pas : téléphone aux connaissances et en priorité aux personnes isolées, courses pour des voisins qui ne peuvent se déplacer, attention portée aux personnes fragiles, et tant d’actions simples et discrètes dont beaucoup ont le secret. 

N’employons pas le mot signe n’importe comment et à tout bout de champ. Il s’agit de faire la volonté de Dieu, mais elle n’est pas écrire sur la page du jour de mon agenda. En revanche, il y a lieu de rechercher à chaque fois ce qui apportera le plus et le mieux quelque chose de l’amour dont chacun a besoin. Et de le faire. « Va et toi aussi, fais de même. Luc10,37 »  Telle est la conclusion de la parabole du Bon Samaritain. Elle n’a pas vieilli.


Pendant que je prie, je m’endors !

            Eh oui, c’est ainsi ! En me réveillant, je ne suis pas fier : si la prière était notée, j’aurais un « zéro pointé » – recalé – !

Mais pourquoi donc est-ce que je m’endors pendant ma prière ?

  • la nuit a été trop courte …
  • ma tension artérielle a dégringolé …
  • l’attention portée à la présence du Seigneur s’est envolée …
  • des soucis de tous ordres m’ont assailli …
  • le dernier film vu s’est rebranché dans ma mémoire …
  • … et tant d’autres raisons …

Bien sûr, je suis le seul au monde à connaître le sommeil pendant l’oraison ! En écrivant cela ne suis-je pas emprunt d’une humilité qui me vaudrait bien une médaille, ou plutôt d’une vanité à nulle autre pareille ?

Il nous faut nous souvenir du sommeil de Pierre et de ses compagnons Jacques et Jean, au Jardin des Oliviers ; et Jésus leur avait bien recommandé de prier avec lui. Thérèse de Lisieux, la petite sainte du Carmel chère à nos cœurs, s’endormait aussi pendant l’oraison. Si je me souviens bien, au séminaire l’un ou l’autre parmi nous, séminariste ou professeur, prolongeait sa nuit pendant l’oraison à 06h30 dans la chapelle … mais il s’agissait des séminaires d’hier, bien sûr !

A vrai dire, je crois que généralement cela n’a guère d’importance de s’endormir quand on prie. Le début de la prière a été plein d’ardeur et sans doute d’amour ; humblement, nous avons essayé de nous mettre en présence du Seigneur et de nourrir cette prière avec une Parole du Seigneur pour demeurer avec lui. Puis, la faiblesse humaine a pu nous prendre, nous rappelant au réveil que nous ne sommes pas des anges. Souvenons-nous des mots du psaume 126,2 « En vain tu devances le jour, tu retardes le moment de ton repos…. Dieu comble son bien-aimé quand il dort. »

Demeurons dans sa confiance.


« Seul au monde »

Avec beaucoup j’ai été choqué et peiné par les récents assassinats commis au nom d’une idéologie fanatique se réclamant d’une religion : avec la très grande majorité des Français, je les ai condamnés.

Il n’y a pas à revenir sur la liberté d’opinion et d’expression qui est un bien précieux de notre culture. Mais dire cela n’est pas suffisant.

Quand je m’exprime, que je parle, dessine, écrive, chante, ou autre, c’est pour avoir des auditeurs, des lecteurs ; et il est important que je n’ignore pas tout de leur culture. Car même si je suis français, ma culture n’est pas celle du monde entier. Notre modestie nationale a laissé entendre à différentes époques que le monde entier devait adopter les valeurs de notre culture : nous les avons considérées comme étant les meilleures et, de plus, universelles. Aujourd’hui, nous sommes invités à regarder et écouter au-delà de ce qui se passe dans l’Hexagone.

Il est donc indispensable que je pense à ce que va provoquer ce que j’exprime, même si j’estime que c’est à bon droit que je le fais.

Ainsi, par exemple, il y a quelques années, la republication des caricatures du prophète de l’Islam a eu pour conséquence l’incendie d’un certain nombre de lieux de cultes chrétiens au Niger et la mort de plusieurs personnes, et d’autres drames ailleurs.

N’est-il pas indispensable de penser aux conséquences négatives des actes que je pose, surtout lorsque ce sont des innocents inconnus qui en subissent les conséquences ?

Peut être pourrais-je découvrir que je ne suis pas seul au monde !


Être veilleur : Oui, mais comment ?

Sur les autoroutes et les routes, la Gendarmerie a commencé à utiliser des drones pour veiller sur la circulation : ce ne sera pas notre méthode. De plus, nous n’avons pas à prendre les gens de haut ! Nous nous souvenons du film « Fenêtre sur cour » d’Alfred Hitchcock : suspens et dénonciation sont dans l’air : ce n’est pas notre affaire. Nous avons également vu des personnes cachées derrière leur rideau, armées de jumelles pour épier leurs voisins : A Dieu ne plaise ! Alors quoi ?

Dans notre ville de Paris, il y a beaucoup de réseaux de relations et de connaissance ; mais il aussi un très grand nombre de personnes qui souffrent de solitude et qui n’ont aucun réseau. Il ne s’agit pas de les bousculer et de leur dire de bouger : cela les enfoncerait encore plus.

Nous voyons des personnes qui sans faire de bruit tissent des relations de manière fort simple. Cela peut commencer par un simple regard, bienveillant, orné d’un sourire. Un « bonjour Monsieur » suivra bientôt, ainsi que quelques paroles échangées. Il se peut, mais ce n’est pas sûr, que la distance s’amenuise. Sans tomber dans un rituel artificiel, une courte communication commencera peut-être. Tout cela ne peut être réalisé qu’avec bienveillance, paix intérieure, gratuité et discrétion.

L’essentiel est-il là ? Il nous faut les yeux du cœur pour voir ce qu’on ne peut pas voir n’importe comment. Cette dame discrète qui sort tous les jours à la même heure ; l’étudiant du 6éme étage qui ne parle jamais à personne ; l’homme, souriant mais toujours un peu triste et qui prend toujours le même chemin ; le malade reconduit chez lui par des ambulanciers et que, depuis, nous ne voyons plus … et tant d’autres.

Il ne sera pas superflu d’en parler de temps en temps au Seigneur et de lui demander de nous envoyer son Esprit Saint. Lui aussi est discret, mais il a plus d’un tour dans son sac. Si quelqu’un a les « yeux du cœur » c’est bien lui. Alors osons lui demander de nous aider à voir, à écouter, à entendre, à parler et à tisser des liens.


Qui m’attend : Personne !

Qui m’attend ? Personne ! Qui est-ce que j’attends ? Personne !

Hier quelqu’un me disait : « je vois davantage de personnes faire la manche dans la rue. » Oui, nous savons qu’en ce temps de confinement la pauvreté gagne du terrain, pauvreté quand ce n’est pas la misère. Il ne s’agit pas de statistiques, mais de personnes vivantes, nos voisins bien souvent. Mais il y a une autre pauvreté qui va souvent de pair avec la première, mais pas toujours : celle de la solitude. N’être attendu par personne et n’attendre personne. Certains pourraient traduire ainsi : « Je n’existe pour personne. »

Or, des associations de tous genres font un travail énorme pour nourrir, donner des paniers repas et autres. C’est extrêmement précieux. Vous en connaissez et en aidez un certain nombre. Mais la personne isolée, qu’elle soit matériellement démunie ou qu’elle ait financièrement ce qui lui faut, qui fera attention à elle ? Souvent elle sera hyper-discrète, ne se plaindra de rien, ne demandera rien, mais vivra rongée de solitude.

Que faire ? Beaucoup penseront justement qu’on ne peut rien faire car on ne peut pas violer cette hyper-discrétion ni être intrusif dans la vie de ces personnes. Sans doute faudrait-il des « Veilleurs ». Longtemps, pendant des jours et des nuits, le veilleur n’entend ni ne remarque rien. Mais il est celui qui aperçoit, après la nouvelle lune, son premier croissant, il entend le vol silencieux  de la chouette mais aussi le frôlement du pas de l’homme qui longe les remparts ; il est attentif au souffle du malade qui ne trouve pas le sommeil et le pleur de l’enfant qui cherche le sein de sa mère. 

Nous avons besoin de veilleurs : avec patience et discrétion, ils seront cette oreille et ce cœur qui discerneront l’attente et la solitude de voisins, de proches et autres qui attendent, souvent sans plus y croire, un peu d’humanité, des paroles bienveillantes et je ne sais quoi d’espérance. Jésus nous a invités à veiller : serons-nous des veilleurs ?  


Quel Langage, quelle Politique ?

Avec la douceur du langage de l’Eglise de l’époque, le concile de Trente (1545-1563) déclare : « Si quelqu’un dit qu’il est certain de sa persévérance finale …. Qu’il soit anathème. » C’est-à-dire : si quelqu’un dit qu’il tiendra bon dans la foi et la vie chrétienne jusqu’à sa mort : qu’il soit rejeté.

Faudrait-il avoir la même rigueur dans le domaine de la vie politique ?

La vie politique de tous les continents nous apprend, en ces temps difficiles, qu’il y a lieu de distinguer entre fanfaronnades et même injures à la vie démocratique – et – le respect dû à ses concitoyens, alliés ou adversaires, y compris lors d’élections tout à fait cruciales. Parfois, nous sommes navrés et tristes de constater des dérapages de toutes sortes.

Saint Thomas d’Aquin (+1274) ne rappelait-il pas que la politique peut être le plus haut niveau de la charité ! Quel que soit le continent, nous ne pouvons pas accepter de la voir se transformer en une course vers un pouvoir personnel à exercer le plus longtemps possible au-delà du temps prévu par la constitution légitime du pays.

Jésus, à la suite des prophètes, dans sa vie comme dans sa parole, nous a appris qu’aimer et servir en communauté et avec un esprit fraternel, participait à faire advenir le Royaume.


Jaunes  et Bleues

Pour ce confinement d’automne, les parcs et les jardins publics sont ouverts une partie de la journée. Ainsi, le Jardin des Plantes l’est de 10 h. à 17 h. Alors, allons marcher, respirer, écouter les oiseaux, faire reposer nos yeux en regardant les arbres, le gazon, les fleurs. Ainsi ce massif de roses rouges largement épanouies au centre du long mail central. Les plates-bandes viennent d’être plantées en fonction de l’hiver : pâquerettes, pavots des Alpes, pensées de différentes couleurs.

La cour d’entrée du presbytère n’a pas tant de surface. Une petite vasque nous accueille. Les pensées que nous y avons plantées sont jaunes et bleues. En pensant au jour de prière pour les défunts nous aurions pu choisir du violet ou une couleur sombre. Eh bien non ! Jaune, car c’est la couleur de la résurrection de Jésus. Bleu, comme le ciel et sa profondeur. Dans la simplicité de notre langage, nous disons volontiers que les défunts vont au ciel.

Tandis qu’en hiver la lumière diminue et va se faire rare, choisissons des couleurs qui nous rappellent que la vie est devant nous. Nos défunts et nous-mêmes sommes attendus dans la pleine lumière de Jésus : Jésus du matin de Pâques.